Pourquoi ton cerveau crashe toutes les 90 minutes (et comment exploiter le Basic Rest-Activity Cycle)
Ton cerveau mérite régulièrement 20 minutes de pause.
Avant, je ne comprenais pas pourquoi, tout devenait plus compliqué au bout d’un moment. Après environ 1h30, je commençais à faire des erreurs, à relire plusieurs fois la même phrase, à être beaucoup plus facilement distrait par tout et n'importe quoi.
Une baisse d'attention, d'énergie, et de performance que je voyais comme un frein à contrer (et donc je continuais sans donner à ce signal une grande importance), alors qu'il s'agissait d'un signal clé pour suivre et respecter mon rythme.
Je viens de finir un livre qui en parle : The 20 Minute Break d'Ernest Rossi. Je ne te le recommande pas forcément comme lecture, mais son idée centrale est essentielle :
Toutes les 90 à 120 minutes, notre cerveau a besoin d’un temps de récupération profond, sinon il entre en mode stress permanent.
Rossi creuse un sujet démarré par Kleitman : le BRAC (Basic Rest-Activity Cycle).
Et j’ai pu vérifier à quel point c’est vrai, à la fois :
- dans mes recherches (montrant comment de nombreuses études convergent vers cette idée, même si comprendre précisément ce fonctionnement reste complexe aujourd’hui)
- et dans ma pratique quotidienne (à travers des tests pour trouver ma durée idéale de time blocking, et en comprenant surtout ce qui se passait quand je forçais toute la journée)
Le BRAC, ou comment ton cerveau communique sans te parler
Ce que Rossi appelle le Basic Rest-Activity Cycle (BRAC), c’est un rythme biologique ultradien (plus court que 24h) qui régule nos pics et creux d’énergie. On alterne, toutes les 90 à 120 minutes, entre une phase d'activité optimale et un creux naturel de 15 à 20 minutes.
C’est le cycle de sommeil d'environ 90min. Mais ce qui est intéressant, c’est que ce même cycle continue aussi en journée.
Toutes les 90 à 120 minutes, ton corps passe naturellement d’un état de vigilance, de concentration, de performance, à un état de lenteur, de réparation, de rêverie.

En y faisant un peu attention, ce besoin est clairement signalé :
→ une capacité d’attention et de concentration qui diminue
→ signaux de baisse d’énergie
→ envie de t'étirer, bouger,…
Ce creux naturel, Rossi l’appelle l’Ultradian Healing Response. Il active des mécanismes de réparation, d’intégration, de nettoyage cellulaire et d’autorégulation mentale, et correspond au meilleur moyen pour préparer le cycle de performance suivant. Mais à une condition : accepter le ralentissement et la déconnexion nécessaires.
Sinon, tu fais de plus en plus appel au mode "urgence" à grand renfort de cortisol, de stimulation, de tension… ("l’Ultradian Stress Syndrome").
Le “breaking point” que tu vis quotidiennement sans le savoir
Les chercheurs japonais Yoichi Tsuji et Toshinori Kobayashi ont étudié ce phénomène en détail. Ils ont découvert un moment critique : le croisement entre un creux ultradien et un creux circadien, souvent situé autour de 15h-16h.
Ce point de rupture cumulé est une vraie fracture énergétique :
- focus impossible
- plus aucune énergie ou volonté
- erreurs de jugement ou mauvaises décisions plus fréquentes
Ça, c'est peut-être ce qui m'a le plus parlé, parce que je l'ai tous les jours de façon très claire. Pour moi, il arrive un peu plus tard. A 17h, je peux passer plus d'une heure à faire ce que je faisais en 20 minutes le matin (et souvent avec une qualité bien moins bonne).
C’est pour ça que j’ai arrêté d’essayer de “forcer” ces moments. À la place, je les utilise pour marcher, lire, ou juste ne rien faire. Et indirectement, ce sont des moments précieux générateurs d'idées, que je note et que je retravaille plus tard.
La fausse bonne idée de l'équilibre constant
Tu l’as peut-être déjà entendu :
“Peak your peaks. Trough your troughs.”
En gros, exploiter pleinement ses pics et ses creux. Ce qui veut dire de ne pas chercher l'équilibre à chaque instant si on veut exploiter le fonctionnement naturel des cycles.
Comme un athlète qui varie intensité et récupération, tu veux être à fond quand tout est aligné (énergie, concentration, capacité d'attention, motivation,…) et te déconnecter pleinement (pour laisser à ton cerveau l'espace pour tout le travail de fond nécessaire).
C'est la meilleure (et la seule) option pour tenir et performer sur la durée : honorer les creux autant que les pics.
3 stratégies pour exploiter le Basic Rest-Activity Cycle
- Structurer ses journées en cycles
Tout comme il est plus logique de voir son sommeil comme un nombre de cycles de 90min (plutôt qu'une durée arbitraire), je vois mon temps de travail en nombre de cycles.
- Période de concentration + période de repos = 1 cycle
- Une journée de travail = 2 à 4 cycles (selon ma saison)
Quelqu'un qui serait fier (ou qui n'a malheureusement pas le choix) de travailler non-stop de 8h à 18h trouverait sûrement cette structure inefficace, voire feignante, mais elle est bien plus efficiente et équilibrée qu'une organisation basée sur la logique résiduelle calquée sur l'ère industrielle.
- Tester des durées jusqu'à trouver le sweet spot
Là où on a moins de contrôle sur les cycles ultradiens de sommeil, la durée des cycles diurnes est pleinement sous notre contrôle.
Une étude célèbre, souvent citée, a montré que les utilisateurs les plus performants suivaient un rythme de 52 minutes de travail / 17 minutes de pause. Une nouvelle étude a été faite plus tard en 2021 pendant la pandémie (et donc avec beaucoup plus de télétravail), et est arrivée à un nouveau ratio de 112 minutes de travail / 26 minutes de pause.
(plus d'info sur le sujet ici)
De mon point de vue, si on cherche un ratio parfait "selon des études", on est déjà sur la mauvaise piste. Le meilleur moyen selon moi est de partir du fonctionnement théorique (par exemple le cycle de Rossi 90/20), puis de tester pour trouver ce qui semble être le plus aligné et fluide.
- Est ce que 90min de focus est trop long et tu perds en concentration après 60min ?
- Est ce que 120min est plus optimal car tu as besoin d'un temps pour te mettre dedans, et ton pic de concentration arrive plus tard ?
- Est ce que 20min est réellement réparateur et te permet de "reset" pour parfaitement repartir ?
- Est ce que la pause est trop longue et te sors complètement du sujet ?
Au bout de 2 semaines, tu devrais arriver à quelque chose qui te correspond bien.
- Respecter le "breaking point"
Comme vu plus haut, on peut segmenter la journée en 2 :
- cycles ultradiens classiques à exploiter en première partie de journée
- signal fort représentant le breaking point de la journée, cycles ultradiens plus courts sur la seconde partie de journée, puis préparation au sommeil
Tu peux l'ignorer et forcer quand tu le croises quotidiennement, ou l'accepter et le suivre. C'est souvent à partir de ce moment qu'on a besoin de 2,3, voire 4 fois plus de temps et d'efforts pour faire la même chose que ce dont on était capable le matin ou pendant nos pics.
Du coup, ça n'a rien d'efficient de continuer à ce moment, et on arrive au bout de la courbe des rendements décroissants, qui peut engendrer une belle opportunité de faire des erreurs.
Ce n'est pas le meilleur moment pour travailler / faire une activité demandant une grande capacité d'attention et de concentration, mais c'est sûrement le meilleur moment pour récupérer.
Tout ça respecte un principe fondamental : ton organisation doit suivre ton énergie naturelle (parce que tu auras beaucoup de mal à faire l'inverse).
Synthèse
Le BRAC (Basic Rest-Activity Cycle) correspond au cycle ultradien fondamental pour t'organiser en périodes de 90-120 minutes, avec environ 20 minutes de repos (de qualité).
- Il n'y a pas de ratio parfait et universel : il faut tester jusqu'à trouve ce qui nous correspond
- Voir sa journée de travail en nombre de cycle plutôt qu'en volume arbitraire est plus aligné avec notre fonctionnement
- L'alternance sprint / repos stratégique est le meilleur moyen d'être performant sur le court terme, et d'être équilibré sur le long terme
Et pour reprendre les mots de Rossi :
"La performance maximale repose sur ce principe simple : exploite pleinement tes pics et respecte pleinement tes creux."
Bon week-end,
LA