Comment choisir sans se perdre quand tout t'intéresse ? (la malédiction De Vinci)

Imagine un immense buffet :

Chaque plat est un sujet passionnant.

Chaque parfum éveille ta curiosité.

Tu avances, une assiette à la main… mais très vite, elle déborde. Tu ne peux pas tout manger.

Et pourtant, tu continue à avancer et à faire des découvertes.

À force, tu ne sais juste plus où donner de la tête.

Cette scène est la réalité quotidienne des esprits curieux, multipotentiels, multipassionnés.

C'est ce qu'on appelle autrement la malédiction Da Vinci.

"Celui qui court deux lièvres à la fois n’en prend aucun."
Proverbe russe

Pourquoi notre curiosité naturelle devient-elle un poids ?

Pendant des siècles, la diversité des compétences était vue comme une force. De Vinci, Franklin, Tesla... leur largeur d'intérêts était leur superpouvoir.

Puis la révolution industrielle, avec sa logique de spécialisation, a inversé la donne.

→ Un rôle, une fonction, un chemin.

On peut relier ça à 2 niveaux clés du modèle Spiral Dynamics :

Niveau Bleu :

Apparition d'une société structurée, où chacun a un rôle clair à jouer. La priorité est la stabilité, l'ordre, et l'obéissance aux règles. Ici, chacun est subordonné à son groupe ou sa fonction.

Niveau Orange :

Avec la modernité et la révolution industrielle, le système valorise l'efficacité, la compétition, et la spécialisation. L'idéal devient : être le meilleur dans un domaine bien défini et hyper-précis.

Ces niveaux ont forgé notre monde professionnel moderne. Le polymathe, celui qui explore plusieurs champs, dérange cette architecture. Ou en tout cas, c'est compliqué d'y trouver une place : trop changeant, trop transversal, trop flou pour être facilement classé.

Aujourd'hui encore, être "celui qui fait plein de trucs" crée du doute, du jugement, voire la méfiance.

"Mais... tu fais quoi exactement dans la vie ?" crée soit un blocage, soit un bordel mental impossible à clarifier immédiatement.

Alors, beaucoup (initialement curieux de tout) tentent de rentrer dans le moule : choisir un seul champ, et étouffer leur leurs centres d'intérêt. Soit par conformisme, soit par peur (souvent justifié) de dispersion.

Le problème, c'est qu'on n'éteint pas une forêt en lui tournant le dos.

Le problème de la "malédiction" Da Vinci ne vient pas de la curiosité elle-même, mais d'un manque de structure pour la canaliser.

La clef n'est pas de choisir entre curiosité et focus. C'est d'arriver à orchestrer les deux.

Mais… Sujet complexe.

Pourquoi le concept est contre-intuitif ?

La majorité des conseils classiques encouragent à "se concentrer sur une seule chose". Ce qui est pertinent dans un monde stable... mais dangereux dans un monde chaotique et en changement.

Aujourd'hui, la capacité à apprendre, à connecter, à hybrider différents champs peut devenir le véritable capital personnel.

La curiosité n'est pas un défaut. C'est une stratégie adaptative.

Décodage de la malédiction De Vinci en 4 clés

Ceux sujets à ce concept, les "curieux dispersés", on souvent les mêmes caractéristiques, considérés comme des problèmes :

  1. Trop d'onglets mentaux ouverts

Chaque nouvel intérêt ou passion ouvre une nouvelle fenêtre mentale, mobilise une partie de ton attention consciente. Sans système de gestion, ces onglets créent une charge cognitive massive.

Ton cerveau carbure sans répit. Mais paradoxalement, tu avances très peu.

  1. FOMO cognitif

Tout le monde l'a surement déjà vécu d'une manière ou d'une autre : la peur de rater quelque chose d'encore plus passionnant ailleurs. Chaque domaine semble prometteur, chaque nouvelle piste devient une tentation.

Ca crée un cycle d'exploration fragmentée, finalement jamais pleinement exploitée.

  1. Surface sans profondeur

En papillonnant de sujet en sujet, tu multiplies les amorces mais tu n'atteins jamais les strates profondes de la maîtrise. Cela entraîne une insatisfaction croissante : impression de "savoir un peu sur tout mais rien en profondeur", avec la frustration de ne jamais voir l'impact concret de ton apprentissage.

C'est le grand défi des "multipotentiels", à la différence d'un polymathe.

  1. Fragmentation identitaire

À force de suivre mille centres d'intérêt sans fil conducteur, ton identité devient floue. Difficile d'expliquer qui tu es, ce que tu construis, où tu vas. Ca peut devenir un réel problème avec une société qui attend de toi une étiquette claire. Cette incohérence perçue peut nourrir le doute, voire l'autosabotage.

En terme de solutions, c'est compliqué…

Mais ça se résume souvent à 2 options :

  • Approche classique : Choisir un seul domaine, sacrifier tout le reste
  • Approche stratégique : Canaliser la curiosité dans un écosystème personnel, en connectant les centres d'intérêt plutôt qu'en les cloisonnant

La majorité prenne l'approche classique. L'approche stratégique est plus complexe, floue, mais souvent bien plus enrichissante et alignée (en tout cas, de mon point de vue).

Trois stratégies concrètes pour transformer ta curiosité

1. Le Buffet Curieux : choisir avant de consommer

Plutôt que d'errer sans fin devant le buffet évoqué tout au début, on peut adopter une approche de sélection active.

Avant de plonger dans un sujet, pose-toi 3 questions simples :

  • Est-ce aligné avec ma vision actuelle ?
  • Quel impact concret ce sujet peut-il avoir sur mes projets ou ma vie ?
  • Est-ce que c'est ma priorité ?

(Simple, mais évite 80% des détours inutiles)

2. Fusionner au lieu de segmenter

Ici, l'idée est de ne pas traiter ses intérêts comme des îles isolées.

Cherche systématiquement à construire des ponts :

  • Comment cette compétence X peut-elle enrichir ma passion Y ?
  • Quel projet pourrait nécessiter l'alliance de ces deux centres d'intérêt ?

La valeur est moins dans l'accumulation que dans la synthèse, la connexion, la combinaison.

3. Saisons de Focus

Accepte ta diversité d'intérêts… mais impose des cycles.

Structure ton année en saisons mentales :

→ 1 saison = 1 thématique principale à explorer en profondeur (un centre d'intérêt, un projet prioritaire)

Priorité claire, et capacité de devenir obsessionnel sur un sujet, tout en acceptant de mettre le reste en maintenance ou en pause, temporairement.

Framework : La roue du polymathe

  1. Cartographie épistémique : lister tous tes centres d'intérêt majeurs
  2. Tri stratégique : prioriser selon impact, timing et alignement
  3. Ponts de compétence : repérer les synergies possibles
  4. Organisation par saisons : Structurer ton année avec des intentions claire et précises (l'approche que tu retrouves dans Les Saisons Stratégiques)
  5. Synthèse et transmission : Consolider et partager tes apprentissages pour cristalliser ta progression

En synthèse

  • La malédiction De Vinci ne vient pas de la curiosité, mais de son manque d'orchestration et de clarté
  • Canaliser ta curiosité stratégiquement peut te transformer en polymathe adaptatif (au lieu d'un touche-à-tout dispersé)
  • Le réel avantage n'est pas d'être meilleur sur un seul axe, mais d'être le pont vivant entre plusieurs mondes

"La curiosité est la mèche de la bougie de l'apprentissage."
William Arthur Ward

Bon week-end,

LA

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